Ce texte est l'oeuvre d'un certain Charles von Konderwick.
L'horloge n'indiquait pas encore six heures du matin que l'aurore dversait dj sa lumire rose et orange sur le collge Kadic. Ulrich mergea lentement du sommeil et cacha ses yeux aveugls de sa main. Il n'avait pas ferm les volets la veille et la faible et timide lueur du matin lui brlait les pupilles. Il se leva tout de mme en grommelant et alla, les yeux ferms, tirer les rideaux. Une fois, la pnombre revenue dans la chambre, il la parcourut du regard en retirant ses bouchons d'oreilles. Manifestement il manquait quelque chose et, ce quelque chose, c'tait Odd Della Robia, son compagnon de chambre. Ses vtements taient toujours poss ct de son lit mais Kiwi, son chien, semblait avoir disparu lui aussi. Ulrich resta debout devant la fentre quelques instants, encore un peu assomm par le sommeil. Il allait chercher ses propres habits dans l'armoire quand la porte s'ouvrit en grand. Odd entra en trombe, encore en pyjama, les cheveux bouriffs, Kiwi sur ses talons. A la diffrence d'Ulrich, il semblait tre parfaitement rveill.
Qu'est-ce que tu fichais dehors cette heure? demanda Ulrich, farfouillant toujours dans la penderie.
-Je sortais Kiwi, tiens!
-C'est vrai, pourquoi je me demande?
Il continua chercher dans tous les recoins du placard. Impossible de retrouver sa montre, laquelle il faisait particulirement attention. Il avait beau chercher partout, retourner le contenu de l'armoire dans tous les sens, il ne parvenait pas remettre la main dessus. Odd s'approcha silencieusement de lui, tout intrigu qu'il tait.
-T'as perdu quelque chose?
-Oui, ma montre. Tu sais la noire, super belle avec des aiguilles et des chiffres rouges.
Sans lcher un seul mot de plus, Odd s'accroupit au bas de la penderie et se mit chercher derrire. Ulrich abandonna un instant ses recherches pour observer Odd, perplexe.
-Qu'est-ce que tu fabriques?
-Souvent, il y a des trucs que je met dans l'armoire qui atterrissent l, comme par magie. Alors, peut-tre que ta montre, elle est l!
Avant qu'Ulrich ait eu le temps de relever la tte, il entendit un grand cri et vit Odd agit de soubresauts. Une paisse fume noire apparut derrire lui et disparut l'instant d'aprs, comme elle tait venue. Ulrich se prcipita, tira Odd par le bras et l'attira au milieu de la chambre o il put reprendre son souffle. Il semblait un peu sonn et la paume de sa main droite tait rouge, comme brule.
-Salet de prise! lcha Odd entre deux respirations.
-La prise?
-Oui, j'ai mis ma main sur la main sur la prise de courant pour m'y appuyer et c'est l que je me suis pris une dcharge!
-Mais... a va, toi? fit Ulrich, inquiet.
-Tout roule, je te jure. Et en plus, j'ai ta montre !
En effet, il tenait dans son autre main la montre adore d'Ulrich, absolument indemne. Elle ne semblait pas avoir souffert du choc lectrique.
-Merci, mon pote...
-De rien! On se lve, peut-tre?
Ulrich aida Odd se relever. Sa blessure n'avait pas l'air aussi grave qu'on aurait pu le croire et, de toute faon, dans le cas contraire, il aurait pu aller voir l'infirmire pour qu'elle s'en charge. Odd tenta de faire un pas mais il trbucha, emportant Ulrich avec lui. Ils atterrirent sur le lit, l'un au dessus de l'autre. Hbts, ils restrent immobile, changeant un regard ahuri. Ulrich eut soudain comme un frisson dans le dos. Il se rendit compte que Odd le fixait de manire trange, on sentait quelque chose de malsain dans ses yeux, qui taient s du violet clair au noir profond. Quelque chose de malsain et de meurtrier, presque de la haine pure. Oui, c'tait tout fait a : une haine noire comme de l'encre de Chine qui dgoulinerait lentement sur une feuille blanche. a ne pouvait pas tre Odd. Dans l'esprit d'Ulrich, c'tait clair, il n'y avait pas d'autre explication, a n'tait pas Odd, impossible que ce soit lui.
Alors qu'ils restaient tous deux se fixer sans dire un mot, ne pensant mme pas esquisser le moindre mouvement, Odd approcha trs lentement sa tte de celle d'Ulrich. Celui-ci devinait parfaitement ce qu'il avait l'intention de faire et se serait bien esquiv mais il ne put faire le moindre geste. Il tait paralys, littralement statufi. Il ne savait pas comment cela se faisait mais c'tait comme s'il n'avait jamais pu bouger un seul muscle. Leurs visages taient de plus en plus proches et c'est au moment o leurs lvres se frlrent qu'Ulrich eut subitement un dclic et chassa le blond d'un revers de la main. Il y tait all un peu fort car Odd bascula et tomba sur la sol.
Son regard changea instantanment pour redevenir celui de l'imbcile heureux qu'il tait d'habitude. La tension qui s'tait ressentie un moment plus tt s'apaisa. Ulrich attrapa ses vtements et sortit prcipitamment, se ruant vers les douches. Ds qu'il fut sorti et que ses pas dans le couloir fut devenu inaudible, Odd referma la porte et s'adossa contre celle-ci, en proie un malaise. Des tincelles s'chappaient de tous les pores de se peau. Il se sentait changer comme s'il rentrait l'intrieur de son propre corps pour n'tre plus qu'un simple spectateur de sa vie. Des larmes coulrent sur ses joues, si nombreuses qu'elles retombaient en grosses gouttes sur le sol. Il n'avait pas fait a, il ne pouvait pas l'avoir fait, il ne le voulait pas. Il sentit une boule grandir dans son estomac et fut saisi d'une violente envie de vomir. En portant sa main sa bouche, il constata avec horreur que la brlure sur sa paume avait noirci et que sa forme ne lui tait pas inconnue.
La salle d'eau tait vide cette heure car, soit les autres avaient dj pris leur douche et taient dj prts aller djeuner soit ils n'taient pas encore levs. Ulrich se dshabilla rapidement, balana ses vtements dans un coin de la cabine et se plaa sous le jet d'eau glace. Ses paules se mirent trembler ; l'eau tait vraiment trop froide. Il sortit aussi vite de la douche qu'il le put et, en se schant, il entendit quelqu'un entrer dans la pice. Il ne s'en soucia pas plus que a et commena s'habiller quand la personne prsente commena frapper aux portes de toutes les cabines et criant au hasard, d'une voix trs peu convaincante :
-Allez, Ulrich, je m'excuse pour tout l'heure, j'ai pas rflchi ce que je faisais... Allez, ouvre, s'il te plait.
Ulrich finit rapidement de s'habiller et attrapa son pyjama rest en bas de la cabine, la vue de Odd. Puis se serra comme il put au fond de la douche, priant de toutes ses forces pour que Odd ne le trouve pas. Il eut beau prier mais quand le blond arriva sa porte, il se rendit compte qu'elle tait ferme et envoya de violents coups de poings dessus.
-Je sais que tu est l, ouvre! Je vais pas te manger, tu sais!
Ulrich, lui, n'en tait pas sr du tout. Terr au fond de la douche, il repensa au baiser qu'ils avaient failli changer. Son cœur battait dans sa poitrine, au bord de l'explosion et il l'entendait rsonner dans ses oreilles. Il t les mains, priant encore plus fort pour que son ami s'en aille et le laisse tranquille. Mieux, qu'il redevienne le Odd normal, le joyeux idiot qu'il avait toujours connu.
Le salut vint avec Nicolas, l'ami de Sissi qui ouvrit la porte avec fracas, distrayant Odd un instant.
-Bah, qu'est-ce que tu fous Della Robia?
Odd serra les dents et marmonna quelques jurons. De la cabine, Ulrich l'entendit s'loigner de la porte. Il tenta le tout pour le tout et d'un geste agile, se prcipita sur la porte, l'ouvrit et se rua au dehors. Il traversa la salle d'eau une vitesse impressionnante, sous le regard ahuri de Nicolas.
Il ne a mme pas par sa chambre et se dirigea directement vers celle de Jrmie. Il tait sur son ordinateur en train de rechercher des donnes ou autre chose dont Ulrich n'avait strictement rien faire. Il fit quelques pas dans la chambre et tomba genoux. Jrmie dtacha les yeux de son cran et s'approcha de lui tout doucement comme s'il avait pu exploser n'importe quel moment.
-Qu'est-ce qui t'arrives, Ulrich? demanda t-il d'une voix qu'il voulait assure.
Ulrich l'attrapa par le bras et le fora se mettre genoux son tour. Une fois qu'ils furent au mme niveau, Ulrich agrippa l'paule de Jrmie tellement fort que les marques de ses ongles s'imprimrent sur le pull du surdou.
-Faut que tu m'aides, Jrmie... C'est Odd, il est super bizarre depuis tout l'heure.
Des larmes apparurent au coin de ses yeux. Il les essuya d'un revers de la manche.
-Il va me tuer Jrmie... Je te jure, faut que tu me croies!
Jrmie s'assit devant Ulrich, calme. Il posa, alors, sa main sur l'paule d'Ulrich cependant plus doucement qu'Ulrich venait de le faire. Il le regarda droit dans les yeux.
-Raconte-moi tout ce qui c'est .
Ulrich lui raconta tout ce qui lui tait arriv depuis son rveil jusqu'au moment o il tait arriv dans la chambre de Jrmie. Il omit juste un dtail : le fameux presque baiser, que mme lui ne pouvait s'expliquer. Il aurait voulu tout dire mais il sentait un blocage dans sa tte, les mots refusaient de franchir ses lvres. Les larmes coulaient en grosses gouttes sur ses joues et, plus il essayait de les contenir, plus elles s'chappaient. Jrmie lui tendit un mouchoir.
-Tu sais, d'aprs ce que tu me racontes, j'ai bien l'impression que c'est Xana qui est derrire tout a...
Aprs, il faudrait que je le voie.
Son souhait fut bien vite exauc. Quelqu'un frappa la porte et entra sans mme attendre de rponse. Quand Ulrich aperut la crinire blonde de Odd, il courut se cacher derrire Jrmie, tremblant.
-Alors, les gars, vous venez pas djeuner? J'ai faim, moi! annona Odd en agitant le bras
-Il me semble parfaitement normal, moi, fit Jrmie en se tournant vers Ulrich.
C'est alors que le brun remarqua la brlure sur la paume de Odd. Elle avait horriblement noirci et il aurait pu reconnatre sa forme entre mille. Il tira sur la manche de Jrmie.
-Regarde sa main, chuchota t-il. C'est l'œil de Xana.
-Quoi? fit Odd, sur un ton lger. Qu'est-ce que j'ai?
Jrmie jeta un coup d'œil Ulrich et s'carta de lui, le laissant dcouvert. Il tait en larmes et son chine tait secoue de frissons d'horreur. Il pouvait ressentir la prsence de Xana dans le corps de son ami. Mais l, ce n'tait pas seulement une ombre menaante mais bel et bien une prsence qui lui en voulait, lui seul. Comme si une main l'avait attrap et tentait de le broyer entre ses doigts. L'expression du visage de Odd changea d'un seul coup pour laisser place un rictus meurtrier. Ulrich serra le poing et essaya de se relever mais c'tait trop tard. Odd fondait dj sur lui, le bras lev, prt frapper. Mais avant qu'il ait pu faire quoi que ce soit, Jrmie l'attrapa et lui attacha les bras au pied de la table prs du lit avec une ceinture qui trainait par l. Ulrich se releva et soupira.
-Joli rflexe, commenta t-il. Merci.
Il essayait bien sr de paratre courageux et de ne rien montrer de son trouble. Il dvisagea Odd qui se dbattait pour essayer de rompre ses liens, en vain. Jrmie sortit son portable de sa poche.
-coute, je vais appeler Aelita et Yumi, elles vont aller sur Lyoko pour voir ce qui s'y trame. En attendant, si tu pouvais rester pour surveiller Odd, qu'il ne s'chappe pas.
-J'espre juste pour moi qu'il n'arrivera pas dfaire ses liens, rpliqua Ulrich. Si tu n'avais pas t l...
Jrmie se dirigea vers la porte, l'ouvrit en grand et quand il n'apparut plus qu' moiti dans l'entrebillement, il adressa un geste de la main complice Ulrich.
-T'en fais pas. Tant qu'il est attach comme a, il ne peut rien te faire. On fait aussi vite qu'on peut sur Lyoko.
Puis il sortit, laissant les deux garons en face--face. Ils se regardrent en chien de faence pendant un instant et Odd se mit rire. Ulrich s'assit sur le lit de Jrmie et croisa les bras, sur la dfensive.
-Quoi? Qu'est-ce qui te fais marrer?
Odd continuait se tordre de rire sans raison apparente. D'un seul coup, il s'arrta et releva la tte.
Ulrich, tout en restant assis, s'approcha de quelques centimtres, esprant qu'il pourrait au moins distinguer clairement l'expression de son ami.
-C'est toi, tu me fais trop rire. T'es mort de trouille au fond...
Il s'arrta un moment, contemplant Ulrich d'un air narquois. Celui-ci baissa les yeux, il se sentait de plus en plus mal en prsence de l'autre. L'ambiance tait devenue glaciale, au sens littral du terme. Ulrich sentait mme de petits boutons de chair de poule se former sur ses bras.
-Mais tu sais, je peux te faire faire n'importe quoi, chantonna Odd avec un sourire jusqu'aux oreilles.
Jrmie tait assis devant l'cran du super calculateur l'usine. Il avait appel Yumi et Aelita sans vraiment leur expliquer de quoi il en retournait. Elles avaient quand mme accept de venir l'instant mme o il avait prononc le mot Xana .
Il se faisait du souci pour Ulrich. Avait-il bien fait de le laisser l-bas? Il aurait pu demander Yumi de surveiller Odd que a aurait sans doute t mieux pour tout le monde. Il avait le sentiment que son ami ne lui avait pas tout dit. Cette gne, cette pudeur inhabituelle qu'il avait pu constater l'intriguait au plus haut point. Qu'est-ce qu'Ulrich pourrait vouloir cacher, mme un de ses meilleurs amis? D'autant plus que a aurait sans doute t utile pour le problme qu'ils rencontraient. Mais, aprs tout, se dit-il, si Ulrich n'avait pas cru bon de lui en parler, a le concernait. Il avait bien le droit sa propre vie. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur Yumi et Aelita. La deuxime descendit directement dans la salle des scanners mais Yumi demanda d'abord Jrmie :
-On peut esprer avoir de l'aide de la part de Ulrich et Odd?
-Je ne pense pas, sincrement, rpondit-il sans mme tourner la tte.
Yumi ne rpliqua pas et se rendit son tour au niveau infrieur. Elle entra dans le scanner et ferma les yeux.
A l'tage d'au dessus, Jrmie tapa un code sur son clavier et se rcita lui-mme.
-Transfert Aelita. Transfert Yumi. Scanner. Virtualisation.
Quand les deux filles reprirent connaissance, elles se trouvaient dans le territoire des montagnes. Yumi, d'un geste rflexe, attrapa ses ventails et se plaa de faon protger Aelita. A peine avaient- elles fait un pas qu'un crabe sortit de nulle part et se mit les charger. Elles voulurent esquiver ses coups mais elles n'eurent pas le faire puisque, mme en attendant, la bte ne se dcidait pas tirer. Yumi lana un de ses ventails et atteint l'animal en plein cœur. La voix de Jrmie se fit entendre.
-La tour active est trente-cinq degrs au nord. Et il y a cinq kankrelats qui vous foncent droit dessus.
Elles regardrent autour d'elles, anxieuses. Se dfendre, mme deux, contre cinq kankrelats n'tait pas une chose aise surtout qu'ils taient particulirement hargneux. Aelita forma un champ de force au creux de sa main et observa le groupe de bestioles se former autour d'elle et Yumi. Le groupe se contenta d'ailleurs de se former sans jamais avoir l'air de vouloir attaquer.
-Jrmie, il y a quelque chose de bizarre, l. On dirait qu'ils n'ont pas l'air dcids tre offensifs aujourd'hui. Qu'est-ce que Xana a derrire la tte?
-J'avoue que je n'en ai aucune ide. Je vais appeler Ulrich pour voir o a en est de son ct.
Le silence s'tait install depuis un petit moment dans la chambre de Jrmie et plus le temps ait, plus le malaise empirait. Le coup de tlphone arriva juste temps pour viter Ulrich de craquer et de quitter la chambre sur un coup de tte. Il dcrocha et la voix de son ami sonna comme une dlivrance.
-Ah, c'est toi, fit-il d'une voix nerveuse. Non, a peut aller ici.
Il allait raccrocher quand Odd attira son attention en le sifflant. Charmant, se dit-il, mais aprs tout, il fallait qu'il aide le blond qui n'tait srement pas dans son tat normal. Il ne put cependant pas s'empcher de rester les yeux fixs sur lui, hypnotis. Il n'tait plus matre de ses mouvements et l'œil de Xana s'imprimait dans son cerveau, parasitant tout ce qu'il voyait. Il se sentait comme un pantin qu'on ferait bouger sa guise. Il lcha le tlphone qui tomba au sol en laissant retentir la voix de Jrmie.
-Ulrich, Ulrich, qu'est-ce qui se e?
Mais Ulrich ne pouvait dj plus bouger comme il l'aurait voulu. Odd le dfiait du regard, s'amusait de le voir impuissant et en son pouvoir.
-Tu vois, quand je t'avais dit que je pouvais te faire faire n'importe quoi...
-Oui, s'entendit-il dire sans qu'il ait jamais eu envie de le prononcer.
-Alors, tu vas me dfaire a, pour commencer, ordonna Odd en avisant la ceinture que Jrmie avait utilis pour l'attacher.
Sans l'avoir voulu, Ulrich se mit genoux ct du lit et dfit d'un geste les liens de Odd. Celui-ci se releva immdiatement en se massant les poignets. Il attrapa Ulrich par le menton, haussa les sourcils en un geste sducteur. Celui-ci, toujours conscient de ce qui lui arrivait, tait terroris. S'il avait pu fondre en larmes, il l'aurait fait. S'il avait pu se mettre genoux et supplier, tant pis pour son honneur, il l'aurait sans doute fait aussi. Il n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer ce genre de situation, il tait clairement domin sans rien pouvoir faire pour se dfendre.
-Allons, fais pas cette tte-l, je vais pas te manger. Enfin, la rflexion, je te mangerais bien...
Il poussa violemment Ulrich qui tomba allong sur le lit et se cogna la tte contre le mur en chutant. Il n'eut malheureusement pas le loisir de masser son crne douloureux que Odd grimpait dj au dessus de lui. Il essaya de dire quelque chose, de le supplier de ne pas faire ce qu'il s'apprtait faire.
-Non... fut le seul mot qui russit franchir ses lvres
-Quoi? Si tu veux me supplier, fait le au moins mieux que a... Allez, je te laisse une chance.
Une larme roula sur la joue d'Ulrich et vint mourir sur le drap blanc. Il savait qu'il ne pourrait pas en dire beaucoup plus et encore moins le convaincre. Il tenta tout de mme le tout pour le tout.
-S'il... s'il te plait... Arrte...
-Dsol, c'tait trop peu convainquant... Dommage!
Sur ces mots, Ulrich se remit pleurer de plus belle. Il vit comme un espoir de salut quand la voix de Jrmie se fit nouveau entendre. Mais Odd saisit le tlphone et dtruisit le peu d'esprance qui lui restait.
-Dsol, chantonna t-il, mais Ulrich est trs trs occup pour le moment. Il te rappellera ds qu'il pourra!
Odd balana le portable l'autre bout de la pice et Ulrich sentit soudain des lvres sur les siennes. C'tait intrusif, inable, il se sentait trahi. Bien qu'il sache que Odd n'tait pas responsable de ce qu'il faisait, il ne pouvait s'empcher de lui en vouloir jusqu' la mort. C'tait terriblement embarrassant et il s'inquitait de ce qu'avait pens Jrmie en entendant le ton plus que suggestif de la voix de Odd au tlphone. Le baiser s'approfondit et sa langue rencontra celle du blond. Son cœur fit un bond et se mit battre une vitesse folle. Les frissons lui parcoururent tout le corps et il eut soudain trs chaud. C'tait si trange, un plaisir crasant et coupable. Oh oui, il se sentait coupable! Ce n'tait pas normal de ressentir cela d'autant plus qu'il avait encore une peur bleue de l'autre. Il tait partag entre la crainte et le dsir. Ou plus exactement, il ressentait ses deux sentiments en mme temps sans savoir lequel il prouvait le plus. Il prit conscience du got de la langue de Odd et se sentit encore plus fautif de subir tout cela. Une main glac se glissa sous son T-shirt et ce fut vraiment la goutte qui fit dborder le vase. Il se voyait sali, indign par ces caresses qu'il n'avait jamais dsire. Enfin, peut-tre une fois, dans les vestiaires, en secret, mais pas de cette faon. Jamais de cette faon. Il implora silencieusement pour qu'Odd le lche enfin mais en vain.
Aprs qu'on lui ait raccroch au nez, Jrmie se retourna vers son cran et s'adressa aux deux filles dans le monde virtuel.
-Bon, les filles, vous laissez tomber les ennemis. Aelita, tu cours jusqu' la tour, elle n'est plus qu' quelques pas. Et toi, Yumi, tu la couvres. Mais dpchez-vous, surtout.
-Quoi? Qu'est-ce qui se e? lui lana Aelita.
-On a un gros problme du cot de Odd et Ulrich. Alors, faites au plus vite, je vous en prie!
Elles ne discutrent pas davantage et foncrent vers la tour. Les kankrelats ne les suivirent pas et elles furent rarrives en moins de deux. Aelita tendit les bras de chaque ct de son corps et pntra lentement dans la tour. Elle avana jusqu'au centre de la plateforme et s'leva dans les airs. Arrive au palier suprieur, un cran apparut devant elle. Elle y appuya sa paume et ses lettres de son nom se tracrent en lettres blanches. Le code Lyoko s'activa et le retour vers le commena.
Il n'tait que trois heures du matin et pourtant Ulrich se rveilla. Il s'habilla silencieusement et tira les rideaux. Puis, tout en faisant trs attention ne pas rveiller Odd, il ouvrit la porte et sortit de la chambre sur la pointe des pieds. Il se dirigea tout doucement vers la chambre de Jrmie. Mme avec le retour dans le , il n'avait pas oubli ce que lui avait fait Odd. Il ne lui en voulait pas vraiment, il savait qu'il n'avait pas lui faire porter la responsabilit de ce qui c'tait . C'tait Xana le seul responsable. Mais lui se sentait mal dans sa peau. On venait de lui rvler un ct de lui dont il souponnait mme pas l'existence et ce, de la manire la plus abominable qui soit. Il se trouvait si sale et coupable. Il se disait que c'tait uniquement de sa faute.
Il entra dans la chambre de Jrmie, le rveillant au age. Celui-ci attrapa ses lunettes et billa, ensommeill.
-Qu'est-ce que tu fais l?
Ulrich s'assit en tailleur au pied du lit et posa sa tte sur le drap. Il ferma les yeux.
-Je peux dormir ici, juste pour cette nuit? Je reste l, promis.
Jrmie se leva de son lit et alla jusqu' Ulrich. Il s'accroupit devant lui, le regard teint, n'ayant visiblement pas envie de rflchir plus que a mais le faisant par acquis de conscience. Il se recoiffa d'un geste de la main.
-Et si tu me disais plutt ce qui se e avec Odd?
-Quoi? Co... comment ce qui se e avec Odd ?
Jrmie leva les yeux au ciel et s'assit devant Ulrich. Il avait l'air bout de nerfs.
-Ulrich, je conois des programmes qui matrialisent des tres virtuels. Tu crois quand mme pas que je n'aurais pas vu que mes deux meilleurs amis ont des problmes? Et puis, c'est tout fait normal, vu ce qu'il t'a fait.
-Tu... tu sais ce qu'il a fait? bafouilla Ulrich, en cachant son visage dans les draps.
Jrmie fora son ami le regarder. Il avait pens que c'tait cette agression dont il avait t victime qui le traumatisait ce point. Mais apparemment, il y avait autre chose. Quelque chose encore pire aux yeux d'Ulrich.
-Qu'est-ce qu'il a bien pu te faire de si terrible que tu ne puisses mme pas m'en parler?
-Tu ne me jugeras pas si je te le dis? articula le brun en agrippant l'paule de l'autre.
-Bien sr que non, fit Jrmie. Pourquoi je te jugerais?
Ulrich dfit son emprise sur l'paule du blond et se mit sangloter. Il fallait qu'il le dise quelqu'un et Jrmie semblait tre, pour l'instant, la meilleure personne laquelle parler.
-On s'est... embrass. Enfin, il m'a embrass. Il m'a touch le ventre aussi.
Derrire les pais verres de ses lunettes, les yeux du blond s'carquillrent comme des soucoupes. S'il avait pu penser a un seul instant... Il observa Ulrich en pleurs devant lui, schant ses larmes comme il pouvait. Il crut, par contre, comprendre o Xana avait voulu en venir en possdant Odd : s'il ne pouvait les dtruire par la force, il utiliserait un stratagme plus fin et beaucoup plus cruel.
-Eh bien, balbutia Jrmie... J'tais loin de penser ce genre de choses. Mais tu sais, il tait possd par Xana ; il ne te fera plus rien maintenant.
-Tu comprends pas, Jrmie... Tu comprends pas...
Ulrich fondit en larmes sous le regard impuissant de son ami. Jrmie essaya de le calmer par tous les moyens mais quand il posa une main amicale sur l'paule du brun, celui-ci se braqua et se recroquevilla sur lui-mme.
-Je ne comprends pas quoi? Explique-moi au moins!
-Je... je sais que c'est pas la faute de Odd... Je lui en veux p as Odd... C'est moi que j'en veux!
-Mais qu'est-ce que tu te reproches? Tu n'y est pour rien si c'est arriv!
-Mais c'est pas ce qui est arriv, c'est ce que j'ai ressenti, tu comprends? J'ai tellement honte...
Jrmie ne savait plus que dire. L, a ne relevait plus de ses capacits. C'est vrai, il savait programmer n'importe quoi mais s'il s'y connaissait en sentiments, a serait de notorit publique. Il essaya cependant d'expliquer le plus simplement possible les motions de Ulrich, pourtant tout sauf simples.
-Alors, ce que tu essayes de me dire c'est que... euh... tu as... aim a?
Ulrich le dvisagea, les joues plus que pourpres. Jrmie eut le sentiment d'avoir fait une bourde, d'avoir dit quelque chose qu'il ne fallait pas ou mme de s'tre tromp.
-Aelita avait raison, toi et la subtilit, a fait deux... Mais bon, j'imagine qu'on peut rsumer a comme a, oui... Je fais quoi, moi?
-Aelita a dit a? Eh bien, j'imagine que la meilleure chose faire c'est de lui dire...
Ulrich le fixa comme s'il venait de dire une idiotie encore pire que la prcdente. Il le prit par les paules et commena le secouer frntiquement en criant :
-Ah, bien sr... Je vais m'amener et lui dire Tu te rappelles quand tu tais possd par Xana et que tu as mis ta langue dans ma bouche. Bah, j'ai ador a. On sort ensemble? . Non mais tu rflchis avant de parler des fois?
-U... Ulrich, il est trois heures du matin et il est probable que tout le dortoir vienne d'tre rveill avec cette phrase hautement potique...
Le brun n'eut pas le loisir de rpondre. On frappa trois coups timides la porte et Odd pointa le bout de sa chevelure. Il s'tait rveill au milieu d'un cachemar et, voyant qu'Ulrich n'tait pas dans son lit, avait dcid de le chercher. Ses pas l'avaient conduit la chambre de Jrmie sans qu'il sache trs bien pourquoi. Alors qu'il n'tait qu'a quelques pas du seuil, il avait entendu crier. Il fit donc quelques pas dans l'entrebillement de la porte. Il avait les joues rouges et semblait affreusement gn.
-Euh, toc toc, chuchota t-il. Je... je venais voir si Ulrich tait par l mais visiblement oui...
-Tu... tu m'as entendu? bafouilla Ulrich en se retournant.
-On t'a sans doute entendu jusqu'au dortoir des filles, tu sais...
Bien qu'il prenne la situation sur le ton de la plaisanterie, il ne semblait pas plus l'aise que Ulrich. Les yeux de Jrmie firent un tour dans leurs orbites. Il allait devoir les laisser, dans sa propre chambre, en plus. S'il n'tait pas un ami exceptionnel, qu'est-ce qu'il tait, franchement? Il prit son oreiller sous son bras et sortit de la pice en grognant. Un silence gnant rgna pendant plusieurs longues minutes entre les deux garons. Odd s'approcha doucement du brun et s'assit devant lui.
-Bon, eh bien, commena t-il, je crois que je ne peux pas te cacher que j'ai tout entendu... Et j'imagine que t'as pas dit a la lgre...
Ulrich restait silencieux, cette situation l'embarrassait plus qu'autre chose. Il baissa la tte et ne la releva que quand Odd posa sa main sur la sienne. Il persista cependant dans son mutisme.
-Ulrich... Tu veux bien juste m'accorder une chance?
-Quoi?
-Toi-accorder-une-chance--pauvre-Odd-en-peine-de-cœur-oui?
-Je... veux bien essayer...
Odd parut avoir reu quelque chose sur la tte tant il semblait abasourdi par le choc. En vrit, il tait juste ravi, tel point qu'il en resta mutique, sans bouger pendant de longues secondes. Quand il avait t possd, il tait rest conscient de tout ce qu'il faisait et il s'tait imagin que tout tait de sa faute, qu'il tait responsable de ses actes. Il avait eu peur de perdre l'amiti d'Ulrich, qui tait pourtant sa seule consolation. Il se jeta brusquement sur le brun et essaya de l'embrasser mais il fut repouss doucement.
-Dsol mais pas a. Pas maintenant.
Odd eut l'air du mais il ne protesta pas. Il savait que ce que ressentait Ulrich n'tait pas vident vivre et qu'il ne serait pas heureux du jour au lendemain mais il pouvait attendre. Ils se levrent et allrent se coucher sur le lit de Jrmie, serrs l'un contre l'autre.
-Tu est sr que a ne te dranges pas?
-Quoi? On ne fait que dormir l'un avec l'autre...
-C'est vrai. Et Jrmie, il va dire quoi?
-Il aura bien trouv ailleurs pour dormir, t'en fais pas. Et si on finissait notre nuit?
-J'allais te proposer la mme chose, justement.
Ils rirent tous les deux le plus discrtement possible. Odd prit la main de Ulrich dans la sienne, lui dposa un baiser sur la joue avant de tomber endormi dans ses bras. Le brun resta le contempler un bon moment puis ferma les yeux son tour.
Quant Jrmie, pour ceux qui se le demandent encore, il a le reste de la nuit se tourner et se retourner dans le lit de Odd, ne parvenant pas retrouver le sommeil et se promettant de ne plus jamais tre un aussi bon ami.
Par Charles von Konderwick